La
toute dernière offrande de Columbia, Gettysburg : Badges of
Courage (2004) cherche encore une fois à simuler la guerre civile
américaine. C’est donc le troisième jeu de la compagnie, en un peu
plus d’une dizaine d’années, à porter sur ce conflit (Bobby
Lee, Sam Grant), et à mon humble avis, Gettysburg est de loin le
meilleur effort de la série.
Parmi les wargamers, Gettysburg a déjà acquis la réputation de
« meilleure simulation de la guerre civile américaine ». C'est un
titre que je suis prêt à lui accorder d'emblée, malgré mon expérience
assez limitée des jeux portant sur ce conflit, et ce pour plusieurs
raisons : son attention aux détails me paraît d’abord
remarquable et la qualité du matériel surpasse largement la moyenne
des jeux de guerre. Gettysburg compte plus de 180 blocs et sa
carte est à la fois magnifique et précise. Le jeu a nécessité de
nombreuses années de développement et un effort de recherche poussé,
lesquels se traduisent par une simulation du conflit détaillée
d’heure en heure. Les divisions (artilleries, cavaleries, infanteries)
sont accompagnées d’officiers capables de commander le tir et de
ravitailler leurs forces, mais ces officiers sont dépendants d’un général
de corps, lui-même sous les ordres d’un général d’armée (Robert
E. Lee pour les Confédérés, George Meade pour l’Union). Or, les
deux armées présentent à cet égard des différences notables :
le Sud est organisé autour d’un nombre restreint d’officiers
efficaces, alors que le Nord est fragmenté en de nombreuses divisions,
et gagne en mobilité ce qu’il perd en puissance d’assaut.
Gettysburg
se joue sur trois jours. Au terme de chaque journée, les Confédérés
doivent calculer les points qu’ils ont accumulé en dispersant les
brigades adverses et en s’emparant de centres stratégiques. Si aucune
des armées n’a pris un avantage trop important, on passe à un tour
de nuit et le conflit se poursuit le jour suivant. Une campagne entière
peut être très longue, mais un scénario se joue en un après-midi.
Est-ce pour autant un jeu d’un intérêt comparable à EastFront
? J’en doute un peu… j’ai en fait deux réserves. D’une part,
dans sa volonté de simuler les batailles en formations linéaires, le
jeu demande qu’on fasse feu avant d’effectuer les mouvements. J’ai
trouvé que cette particularité en affectait négativement la dynamique
et rendait les stratégies trop prévisibles (un joueur sait déjà,
lors de son tour, quelles unités ennemies pourront faire feu au tour
suivant). Ensuite, l’arrivée des renforts à des moments déterminés
ajoute à l’exactitude historique, mais j’ai eu l’impression
qu’elle donnait à chacune des parties un développement trop
similaire. Cette dernière impression est renforcée ensuite par les pénalités
importantes que subissent les unités voulant se déplacer hors des
routes.
Vous sortirez d’une partie de Gettysburg avec deux sentiments : celui
d’avoir participé à une simulation brillante et précise, appuyée
sur un mécanisme de jeu impeccable; puis celui d’avoir suivi un tracé
dont l’existence limite d’emblée vos choix et vos décisions. Je
refuse de faire de ce commentaire une critique négative : à vous de
voir si cet aspect vous rebute ou vous enchante.
Alexandre
Limoges (« Solipsiste »), juin 2004
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