Depuis des années, l'éditeur Hans Im Glück impressionne le
petit monde du jeu de société en éditant de manière quasi-systématique des jeux
d'un niveau de qualité assez hallucinant, plaçant quasiment toutes ses dernières
productions (hors les variantes de Carcassonne) en
haut des classements établis par les joueurs (je pense au Deutscher Spiele
Preis, en particulier).
Cette série de succès ne devrait pas être stoppée par Im Schatten des Kaisers,
un jeu pour le moins ambitieux, qu'on en juge : comment "simuler" le
fonctionnement de l'Allemagne du moyen age, en y incluant les luttes pour les
élections à la tête des duchés et évêchés, ainsi que pour la place d'empereur
et gérer également les naissances et les vieillissements, le tout dans un jeu
sans aucun hasard, qui se jouerait en 2 heures, tiendrait dans une petit boite
(format Carcassonne / Sankt Petersburg)
avec des règles qui tiennent sur 4 pages.En gros
Ralph Burkert (dont c'est le second jeu publié, après
Die Magier von Pangea, Queen Games, 2001) n'a pas molli et
respecte le cahier des charge. A chacun des 5 tours (après un placement
initial), on commence par gagner des sous, on procède au naissance (fils ou
fille - les effets ne sont pas les même),tout le monde vieillit un petit coup de
10 ans (et les "vieillards" de 45 ans cassent leur pipe) puis on effectue des
actions une par une chacun son tour avec un mécanisme vu pour la première fois
(me semble-t-il !) dans Way Out West de
Wallace :
* il y a pas mal d'actions différentes disponibles (une douzaine),
* chaque action est disponible un nombre fois limité en tout (de 1 à 4 fois
en fonction des actions),
* chaque action possède un prix en or, qu'il faut acquitter. Quand on a plus
d'or, on n'a plus d'actions.
Ces actions consistent principalement
* à placer / déplacer des nobles ou des chevaliers dans un des 7 duchés /
évêchés, en espérant être majoritaire pour pouvoir être élu à sa tête
* à gagner des voies supplémentaires pour la future élection de l'Empereur
* à précipiter la mort des nobles adverses ou à rajeunir les siens.
Une seule carte ne coûte rien : celui qui la prend se déclare candidat à la
succession de l'Empereur actuel.
Sept ducs
Quand tout le monde a effectué toutes ses actions, on procède
aux élections à la tête des duchés et des évêchés. Pour chacun des 7
duchés/évêché le joueur majoritaire devient/reste duc/évêque. Les égalités sont
tranchées par l'Empereur. On gagne des points de victoire en _devenant_
duc ou évêque mais pas en _restant_ duc ou évêque, d'où l'intérêt de
changer d'endroit d'un tour sur l'autre ce qui introduit du dynamisme dans un
jeu qui pourrait sinon être assez statique. Etre duc / évêque confère un
avantage immédiat ou pour le tour prochain (sous forme d'une action
supplémentaire gratuite,par exemple) et donne une voix pour l'élection du nouvel
Empereur.
Mais un seul Empereur
On procède maintenant à cette élection si un opposant s'est
déclaré (c'est souvent le cas). L'empereur et l'opposant votent pour eux-mêmes
et les deux autres joueurs indiquent simultanément pour qui ils votent. Il y a
des points de victoire à gagner en devenant ou restant empereur (qui gagne en
outre un bonus supplémentaire, différent à chaque tour), et aussi en votant
pour le "bon" candidat (= le vainqueur).
On passe au tour suivant. Au bout de 5 tous, on compte ses points de victoire et
on se rend compte que j'ai encore perdu :).
En bref
Ça en fait, des choses finalement. Le coeur du jeu est bien
sur la phase action. Les choix sont cornéliens. Il faut gagner des duchés, mais
aussi se positionner pour en gagner d'autres aux tours suivants (car re-gagner
au même endroit ne rapporte pas de points). Et "Im Schatten" est un jeu
sans hasard, avec toutes les informations visibles (sauf le nombre de points de
victoires déjà gagnés. Autant dire qu'il y a matière à réflexion, ce qui va être
un avantage ou un défaut, en fonction du type de jeux que vous appréciez. Si
vous appréciez plus les jeux style " je vois dans ton regard, tu mens"
ou "c'est crétin mais qu'est-ce qu'on rigole", vous n'êtes pas à la bonne
crémerie.
Si par contre vous appréciez des jeux du style Stephenson's Rocket (un jeu
pourtant très différent), ou il faut réfléchir sans que la partie dure des
heures (2 heures maximum ici, voire beaucoup moins si tout le monde y met du
sien) et qu'un peu de diplomatie ne vous fait pas peur, vous êtes a priori dans
la bonne crémerie. Si le respect du thème est important pour vous, là aussi, ce
jeu est cohérent.
Le matériel est très fonctionnel et globalement j'aime le design du jeu, même si
certains le trouve très coloré. J'ai pris plaisir à jouer, et je rejouerai.
Si vous sentez que vous aimerez ce genre de jeu, lancez vous vous ne serez pas
déçu, Im Schatten des Kaisers est une conception solide, manifestement
bien rodée, qui tourne et disponible a un prix modique. Et n'oubliez pas de
rajouter comme moi Ralph Burkert dans la courte liste des auteurs
capables de créer des jeux aussi ambitieux, mention "à suivre".
NB : je n'ai pas joué à 2 joueurs - je n'ai donc pas d'opinion sur cette
configuration de jeu.
Olivier REIX - 5 Novembre 2004
|